Terra Nostra 14
Sainte Croix Vallée Française, au Piboulio, les 18, 19 et 20 octobre
Vendredi 18 octobre
18h30 : Voyage à Gaza de Piero Usberti, 67’, 2024.
"À Gaza, il faut arriver le soir au printemps, s’enfermer dans sa chambre et écouter les sons qui
entrent par les fenêtres ouvertes...Nous sommes en 2018. J’ai 25 ans et je suis un voyageur
étranger. Je rencontre de jeunes palestiniens de mon âge." Tourné avant les attentats perpétrés
par le Hamas et les attaques menées en retour par l’armée israélienne, monté en pleine guerre
Israël Palestine, le film de Piero Usberti développe un récit très personnel fait de rencontres avec
des jeunes gens dont il nous fait partager les émotions, les refus, les engagements, et nous
confronte à cette guerre implacable qui nous concerne tous. Bouleversant.
et 1973, immigrés à Saint Etienne d’Alain Goillon, 07’40, 1973, en présence du
réalisateur.
Saint Etienne en 1973. Un film dans l’urgence. Des immigrés en grève de la faim. Des gens qui les
soutiennent. Jusqu'à la victoire. Un film qui fait du bien.
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21h15 : À demain mon amour de Basile Carre-Agostini, 92’, 2022, en présence
du réalisateur et de Monique Pinçon-Charlot.
Monique et Michel Pinçon-Charlot appliquent la sociologie à la grande bourgeoisie. Ils s’aiment
depuis plus de cinquante ans et pourraient aujourd'hui profiter de leur retraite, mais comme ils
sont un peu dingues et plus que sensibles à l’injustice, ils ont décidé d’accélérer leur combat
contre le système capitaliste planétaire. Basile Carre-Agostini les suit au jour le jour dans leurs
luttes avec une belle complicité. De l'intimité d'un lit à deux aux débordements de la rue, de leurs
questions personnelles aux réponses collectives, le film nous fait partager leur formidable vitalité
et leur refus de la domination, retrouvant la puissance du dire non. Une leçon d'histoires pas
comme les autres.
Samedi 19 octobre
14h00 : De la conquête de Franssou Prenant, 74’, 2022, en présence de la
réalisatrice.
"La conjonction et l’agencement d’images contemporaines de l’Algérie et de Paris, avec des
textes d’acteurs multiples de la conquête de ce pays par la France à partir de 1830, devrait me
permettre de rendre visible et audible, manifeste j’espère, cette conquête, qui a mené à la
destruction d’une partie de la population de l’Algérie, de sa culture et de sa civilisation." Pari
tenu, réussite sans faille. De la conquête, par la rigueur de son écriture et l'intelligence
sensible de son propos, nous éclaire et nous accompagne bien après sa projection. Cinéma
engagé, expérience radicale, elle jette sur l'histoire coloniale française un regard qui touche au
plus profond notre présent.
et Mémoire du corbeau de David Nadeau Bernatchez, 06’50, 2017, en
présence du réalisateur.
Un ancien grand chef amérindien se souvient. Son passé éclaire notre présent.
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16h00 : En attendant les robots de Natan Castay, 39’, 2023, en présence du
réalisateur
Nuits et jours, Otto efface pour un centime d'euros des visages sur Google StreetView. C’est une
des tâches que lui et bien d'autres de par le monde réalisent sur Amazon Mechanical Turk. Entouré
d'écrans, plongé dans l'obscurité de sa chambre, Otto quitte progressivement le monde réel et
disparait dans la matrice d'un univers virtuel ou il se perd peu à peu. En attendant les robots est un
film déroutant et nécessaire. Au-delà de sa mise en cause des plateformes numériques et des
développements des IA tous azimuts, c'est une nouvelle forme de vie, la vie déréalisée qu'il
dénonce. Glaçant.
et Chivas – Les bus psychédéliques de Colombie, les éditions infinies, 30’,
2023, en présence des Editions infinies.
"Chivas" signifie "chèvres". C'est le surnom des bus qui circulent en Colombie dans les zones rurales reculées des Andes. Ils permettent les échanges entre les petites villes et les hameaux isolés de cultivateurs de café, de bananes et de cacao. Ceux des régions de Caldas et Antioquia ont la particularité d'être couverts de peintures psychédéliques. Cette tradition singulière est née dans les années 50/60 lorsqu'un jeune peintre en lettre de Medellín, junkie sur les bords, se voit proposer par un chauffeur de décorer son bus... Ce film documentaire accompagne un livre éponyme réalisé par les Éditions Infinies.
et Pas de porte – épisodes 1 et 2 d’Hélène Viallat, 07’00, 2024, en présence de la réalisatrice. Pas de
porte est une série de films chorégraphiques, éclairs et décalés. Un pas de coté prêt à danser.
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18h45 : Anhell69 de Theo Montoya, 75’, 2022.
La nuit. Un corbillard file dans les rues de Medellin, la deuxième plus grande ville de Colombie.
Le jeune réalisateur d’Anhell69, Theo Montoya, s’est glissé dans le cercueil àl’arrière, les yeux
clos, la voix sourde, comme étouffée par le poids d’un passé récent et qui ne passe pas.
Images, témoignages et voix off racontent et nous donnent à voir la disparition
des compagnons de Theo Montoya, tous de la communauté lgbt+, face à une répression
ignoble et meurtrière. Son film bouleversant, inclassable, entre documentaire et fiction délirante,
nous fait vivre cette invivable situation d’exclusion et de mort, nous fait voir la face cachée d’une
tragédie, en refusant tous les codes, ceux du cinéma comme ceux d’une société gangrenée par
le pouvoir et l’ordre, ceux d’un monde totalitaire. Peut-être le film le plus actuel et le plus
nécessaire de notre programmation.
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21h30 : Adieu sauvage de Sergio Guataquira Sarmiento, 92’, 2023, en présence du réalisateur.
Adieu sauvage est un voyage au lointain de nos vies et une quête mélancolique des origines. Pour Sergio Guataquira Sarmiento, il s’agit de renouer avec son indianité amazonienne et de sortir des lieux communs d’un occident par trop exclusif. Rendu chez les Cacuas, un peuple indigène de Colombie, ceux-ci vont lui apprendre ce que c’est que d’être un autochtone et lui faire découvrir les émotions existentielles qui habitent leurs vies. Avec humour et beaucoup d’autodérision, Sergio Guataquira
Sarmiento réussit un film à la première personne, envoutant et attachant. Il installe une vérité singulière qui demande le partage et son écriture nous accueille comme des amis de longue date. Un rare moment de cinéma.
Dimanche 20 octobre
14h00 : Frieda TV de Léa Lanoë, 81’, 2024, en présence de la réalisatrice.
Frieda TV est le film d’une rencontre et d’une amitié née de cette rencontre. Léa Lanoë filme Gerda Frieda Janett Gröger. Cette dernière en butte à tous les motsd’ordre de notre société, invente ses propres façons d’être là et les nourrit de son désir de vivre libre, sans codes ni normes. Elle échappe à toute tentative d’être saisie, fixée, définie. Léa Lanoé chemine avec elle, au jour le jour, dans une complicité première et formidable. Le film nait de ces moments à deux, fragments d’une aventure essentielle, vivante et vraie. Réussite exemplaire, FriedaTV expérimente sans cesse la justesse de son écriture, tout comme Frieda et Léa improvisent les méandres de leurs propos. Ici rien n’est donné, tout s’invente au gré
de la rencontre. Cette liberté de tous les instants nous appelle et nous contamine, nous invite à nous joindre à elles jusqu’à trouver notre place au sein du film, Le cinéma est au centre de cette aventure.
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16h15 : Paradis de Alexander Abaturov, 89’, 2022, en présence du réalisateur.
Été 2021, des feux incontrôlables ravagent la taïga au nord- est de la Sibérie, tout au bout du monde. Tellement au boutdu monde que la Russie n’en a que faire : secourir ces lointains habitants coûterait trop cher, ces derniers peuvent bien périr dans les flammes et l’État ne se souviendra de la région que lorsqu’il s’agira d’en piller les ressources. Un portrait de Poutine est accroché au mur d’un établissement officiel et il semble s’être étrangement échoué là. Alexander Abaturov ne se limite pas à montrer une catastrophe écologique rendue possible par un capitalisme cynique et inhumain; la force et la justesse de son film naissent de la manière dont il nous raconte ce qui fait communauté avant, pendant et après les incendies. Ce qui tient ces hommes et ces femmes ensemble, autonomes et vivants. Une leçon de
vie où nous avons une place et qui nous renvoie à notre présent avec beaucoup d’intelligence.
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18h30 : Métal et mélancolie de Heddy Honigmann, 80’, 1993.
Métal et mélancolie est un film important et référentiel dans les histoires du documentaire. Important par la nouveauté de sa forme, l’invention de son dispositif et la charge politique de son propos. Et aussi par cette aventure faite de hasards, d’imprévus, de bonheurs et de complicités que le cinéma donne à connaître. Rien n’est écrit, il faut le vivre. Aller à la rencontre, vers l’autre, les autres, et revenir pour raconter, témoigner. Heddy Honigmann, cinéaste hollandaise part au Pérou, filmer les chauffeurs de taxi. À Lima, c’est le blocus économique, la situation s’est tellement détériorée que nombre d’hommes et de femmes ont dû prendre un second emploi pour boucler les fins de mois. Ils sont devenus chauffeurs de taxis et chacun d’eux a une histoire à raconter. La force d’un ancien documentaire